J'voudrais ben !

Mais j'peux point... comme disait la chanson.

Toujours cette fatigabilité, même si j'ai l'impression d'être capable d'en faire un peu plus qu'avant. Mais il y a peu, juste avant la canicule, j'avais décidé de sortir de terre de grosses pierres qui m'avaient servi, au début où nous étions ici, à protéger une plantation de fraisiers des bois qui, hélas, n'ont pas survécu l'an dernier au manque d'entretien et d'arrosage. Pour sortir ces pierres de plus d'un kilo chacune, il m'a fallu utiliser la binette, et j'ai eu à chaque fois du mal à en sortir trois d'affilée, devant m'arrêter pour souffler et reprendre un peu de force, ce qui m'a pris deux ou trois jours en tout. Ensuite, il a fallu les mettre dans la brouette, deux par deux quand possible, bien souvent une par une : mêmes difficultés ! Et enfin, transporter le tout jusque contre la maison : j'ai bien cru ne pas pouvoir soulever les bras de la brouette, pleine à déborder, pour la déplacer d'une dizaine de mètres ! Je n'ai ensuite pas été capable de la vider complètement, pierre par pierre et j'ai dû laisser mon épouse terminer le travail !

Ceci fait, il m'a fallu enlever toutes les mauvaises herbes qui avaient envahi cette zone d'un mètre-carré et demi environ, puis trouver de la terre pour combler les trous qu'avaient laissés les cailloux. Près de là, j'avais un grand rectangle qui avait aussi abrité des fraisiers, Mara des bois et Garriguettes, dont une bonne partie avait subi le même sort que celles des bois, rectangle protégé par des bordures en bois et surélevé par rapport à la pelouse. Pour simplifier le passage de la tondeuse, il fallait, comme pour l'ancienne zone des fraises des bois, rendre cette partie à la pelouse. Les bordures enlevées, là encore il a fallu arracher les mauvaises herbes pour atteindre la terre à récupérer pour la transporter à-côté. Et là encore, c'étaient trois coups de binette ou de pelle avant cinq minutes de récupération ! La chaleur étant arrivée là-dessus, il n'a plus été question pour moi de continuer, ça attendra la fin de l'été, je pense. Il m'en reste les deux-tiers à faire.

Bref, les travaux du jardin maintenant sont surtout d'arroser les tomates, haricots et salades, et de temps en temps les fraisiers et les myrtilles, parfois les ginkgo qui ont pris un gros coup de chaud il y a quelques semaines, lorsqu'il y a eu une longue période de vent sans pluie, et où la fraîcheur m'a fait oublier le manque d'eau. Comme je n'aime pas utiliser "l'eau du Rhône" comme on dit ici (bien qu'à ma connaissance, elle ne vienne pas du fleuve), le potager est arrosé à l'eau de pluie, ce qui veut dire qu'il nous faut nous trimballer, mon épouse ou moi, avec deux arrosoirs entre les cuves de récupération et le potager. Au bout de quatre voyages, je suis en général hors-service, obligé d'aller m'asseoir. Ces derniers jours, nous avons eu des averses : ça a dû sécher aussitôt que tombé. Aujourd'hui, la météo nous prévoyait des orages et des averses : rien en cette fin d'après-midi. Les fraisiers ont une sale tête, et le secteur est déjà en alerte sécheresse, ce qui veut dire que l'arrosage, en dehors de celui avec l’eau des cuves, est interdit entre 9 heures du matin et 8 heures du soir. Je sens qu'il va me falloir me lever tôt demain matin pour arroser un peu avec l'eau du Rhône, s'il n'y a pas d'averses dans la nuit...

Ne parlons pas de remuer les composteurs : le faire dans celui où nous mettons des déchets de cuisine et un peu de ceux de jardin m'épuise. Pourtant l'espèce de tire-bouchon d'une quinzaine de centimètres de diamètre que j'avais acheté est très pratique, mais au bout de trois fois où je le visse et le soulève pour bien mélanger, j'ai un mal fou à attaquer la quatrième, et il faudrait au moins le faire six fois pour bien mélanger anciens déchets et nouveaux. Du coup, le deuxième, l'ancien où nous ne mettons que des déchets de jardin, est délaissé, je me contente seulement de l'humidifier de temps à autre pour que les vers ne meurent pas. Il faudrait que j'y écrase les déchets un peu trop secs, mais je n'ai pas le courage...

Tout ça n'est pas bon pour le moral ! Bien souvent, j'oublie pourtant ces restrictions, et je me lance dans des choses qui, très rapidement, me rappellent à l'ordre.

Malgré la chaleur et la sécheresse, il y aurait des choses à faire dans le jardin, comme tailler certaines haies, rabattre un peu les forsythias qui débordent (on les avait épargnés cet hiver, pour les laisser fleurir), désherber, supprimer les fleurs fanées et branches sèches, et pouvoir profiter de ce qui finit de fleurir ou au contraire commence, comme les althéas. Heureusement que mon épouse ramasse les groseilles, les cassis qui produisent beaucoup cette année et qui sont très parfumés, les fraises qui arrivent à la fin de leur première production alors que certains fraisiers sont de nouveau en fleurs, les framboises qui, elles, commencent depuis peu à produire. Moi, j'en serais incapable.

Jeudi dernier, enfin, j'avais mon premier rendez-vous avec la kinésithérapeute dont j'espère qu'après m'avoir débarrassé l'an dernier de mes douleurs costales après l'opération, elle arrivera à améliorer mes lombalgies et à retrouver la force musculaire dont je manque. La première séance a commencé par un massage de toute la colonne et des épaules, pendant que je lui racontais un peu l'historique de ces douleurs. Elle a enchaîné par des étirements au niveau des hanches et des lombaires. Puis elle m'a mis à plat-ventre sur un gros ballon pour que je complète moi-même les étirements lombaires. Rien de fatigant donc.

Mais hier avait lieu la deuxième séance. Je suis rouillé depuis des années, et là, j'ai dérouillé ! Je peux dire qu'elle ne m'a pas ménagé. Elle m'a fait commencer par des exercices assis sur le gros ballon, à faire des mouvements de bascule latérale pour étirer les lombaires. Mes mains posés sur le rebord de la fenêtre d'un côté et sur le divan d'examen de l'autre, j'ai vite eu plus mal aux épaules qu'aux lombaires. Il m'a fallu faire ça pendant plusieurs minutes avant qu’elle passe au massage de toute la colonne vertébrale. Une fois celui-ci terminé, elle m'a fait remettre sur le dos et m'a fait maintenir, au moins deux minutes de chaque côté, le pied en l'air en utilisant une sangle sous la plante du pied, que je maintenais des deux mains, en essayant d'aller le plus haut possible sans avoir trop mal. Après ça, je pensais que c'était terminé et que j'allais renter chez moi, mais non ! Il m'a fallu faire encore cinq bonnes minutes de vélo d'appartement, moi qui déteste ça sur mon propre home-trainer (et là, je n'ai pas du tout apprécié la selle). Je commençais à vraiment être cuit de cette accumulation d'efforts, surtout touchant des muscles au repos depuis bien longtemps, j'avais déjà bien mal aux épaules, mais il m'a fallu essayer de faire trois minutes de stepper et là, j'ai craqué avant la fin des trois minutes. Je n'aurais jamais cru que cet appareil soit si diabolique! Je suis rentré à la maison en me demandant où je n'avais pas mal... Et quand je suis allé m'allonger, une heure plus tard, pour faire ma sieste, je ne savais pas comment me mettre pour être bien ! Bref, elle m'a mis K.O. !

Quand je me suis réveillé de ma sieste, j'ai repensé à l'été 1989. Cette année-là, nous devions aller passer des vacances dans les Landes chez une tante et un oncle, et j'avais décidé d'en profiter pour faire pour la première fois de ma vie une virée de 100 km à vélo. Je l'ai fait, puis quelques jours plus tard, je me suis offert un circuit de 135 km plus difficile dans la même région, avant de faire une semaine plus tard 120 km dans l'Aubrac entre Onet-le-Château où nous étions venu visiter un frère de ma première épouse et sa famille, et Laguiole où je comptais racheter des couteaux. Virée difficile (je n'ai jamais aimé les montées...), fatigante mais très agréable. Sauf que ces libertés que j'avais prises n'étaient pas du goût de celle-ci et qu'elle a alors décidé que je n'existais plus et ne m'a plus parlé pendant un an, avant que j'accepte de divorcer... Ceci dit, une fois revenu en Provence, je me suis aperçu que ces efforts épuisants que je venais de faire avaient porté leurs fruits : dans certaines côtes de mes circuits habituels, je roulais presque 50 % plus vite qu'avant les vacances !

Reste donc à espérer que ces douleurs chez la kinésithérapeute auront le même effet que ces gros efforts de l'été 1989 et que j'arriverai bientôt à reprendre une activité physique plus adaptée à mon âge, malgré ce poumon en moins, cette anémie et cette insuffisance rénale sur lesquels il n'est pas possible d'agir...