Les "soins intensifs" portent bien leur nom ! C'est intensif ! Prise de tension automatisée toutes les demi-heures, allégée au bout de deux jours avec le plus souvent contrôle toutes les deux heures, voire plus rarement au fil des jours, questions des infirmières ou aides-soignantes sur le ressenti de la douleur... On dort peu dans ces conditions, surtout quand on ne peut le faire qu'à plat-dos, à petites doses, et en souffrant malgré la péridurale, avec les bruits dans le couloir et les autres boxes, les alarmes...
À J+1, j'ai l'impression que la péridurale ne sert à rien, et après discussion avec l'anesthésiste, celui-ci décide d'utiliser de la morphine dans la péridurale. Celle-ci utilise déjà un analgésique, le but étant d'éviter la morphine en intraveineux et ses effets indésirables. Malgré ça, j'ai un mal fou à me bouger dans le lit. Je commence à avoir le haut des fesses rouge et douloureux, une espèce d'anesthésie douloureuse, et il faut régulièrement que le personnel du service me remonte dans le lit car je glisse et je suis incapable de remonter seul, ayant trop mal pour tenter de le faire.
Un kiné s'occupe de moi. Il m'a apporté un appareil comportant trois boules avec lequel il me fait faire trois exercices : inspirer assez fort pour faire monter les deux premières, souffler, en le retournant, pour plaquer la première boule au sommet, et enfin en position initiale inspirer pour tenter de maintenir la première boule le plus longtemps possible presque en haut. Fatigant, mais réalisable...
Le troisième jour, samedi donc, il ajoute deux exercices sans l'appareil : souffler une bougie et "faire de la buée". Ce dernier exercice est le plus embêtant car il est le plus apte à faire remonter d'éventuelles sécrétions et donc à me faire tousser ! Et tousser (ou éternuer) après une telle opération est quelque chose de sacrément douloureux, même en utilisant l'astuce de poser la main droite sur la zone opérée et plaquer l'autre bras contre, ce qui diminue cependant bien cette douleur. Heureusement, j'ai été très peu encombré !
Jeudi, lendemain donc de l'intervention, en fin de journée, on tente un lever. Ça se passe bien, je piétine un peu sur place pour me dégourdir les jambes ; l'analgésie de la péridurale ne m'empêche pas de bien les sentir. Pendant ce temps, on remet en état mon lit, puis je me recouche. J'ai toujours cette douleur au niveau des fesses, je ne peux pas encore me coucher sur le côté pour les protéger... ça fait trop mal au niveau des côtes.
Je m'étais posé des questions sur les effets de la péridurale, craignant qu'elle réduise aussi l'activité musculaire, mais elle n'est qu'antalgique, je n'ai pas la moindre paralysie. Je peux bouger les jambes, contracter mes abdominaux...
La nuit est difficile, d'autant qu'il y a des urgences et donc du bruit, en plus de celui des soins habituels... La nuit suivante le sera aussi à cause d'appels téléphoniques de l'infirmière en début de nuit, pour résoudre des problèmes administratifs liés à un patient, puis de discussions entre le personnel et peut-être des médecins de garde (je n'arrive pas à dormir, mais je n'arrive pas à suivre les conversations...).
Le vendredi dans la matinée, J+2 donc, on me propose de m'installer sur le fauteuil. J'y suis mieux, je glisse peu tout en ayant le dos calé et ça me permet de ne plus avoir d'appui sur la zone douloureuse haute des fesses. J'y reste un peu plus de trois heures, et, ô miracle, lorsque je me recouche, je suis enfin capable de bouger seul dans mon lit, la douleur thoracique ayant nettement diminué ! En relevant un peu la partie basse du lit, ça limite aussi le glissement et donc les douleurs des fesses, mais la position à plat-dos est toujours aussi inconfortable.
La perfusion passe mal vendredi matin dès que je bouge le poignet, ça fuit dans le pansement, il faut donc replacer un cathéter un peu plus haut sur l'avant-bras. Une piqûre de plus ! Entre les différents examens préopératoires et les prises de sang précédentes, plus celles faites ici pour surveiller mon état, mon capital veineux s'amenuise !
Samedi, première étape vers la libération ! Le drain va m'être enlevé, et si tout va bien, ce sera dimanche le tour de la péridurale, de la perfusion et de la sonde urinaire. Peu à peu débarrassé de tous ces liens, je retrouve une certaine autonomie, je m'étonne de pouvoir bouger aussi facilement, même si je m'essouffle vite. Je peux faire une grande partie de ma toilette seul, j'arrive même à me faire un shampooing seul, rinçage au gant de toilette devant le lavabo !
La nuit, malgré cette amélioration et l'espacement des contrôles, est difficile. Elle commence mal avec une grande agitation dans le service, liée à un patient mal en point qui monopolise tout le personnel. Surtout, au même moment, après m'être levé pour remplir ma bouteille d'eau de Saint-Yorre, je fais un épisode d'arythmie associant pauses cardiaques, salves de tachycardie... bref quelque chose de très stressant, alors que je sais que je ne pourrais pas avoir d'aide immédiate, si j'en avais besoin ! Heureusement, les choses se sont calmées en quelques minutes et j'ai fini par m'endormir. Dans la nuit, je me suis réveillé couché sur le côté droit, pour la première fois. J'avais essayé cette position précédemment, sans me sentir bien, et j'étais rapidement revenu à plat-dos. Maintenant, je peux plus facilement éviter de souffrir des fesses.
Dimanche matin, après l'ablation de la péridurale, de la sonde urinaire et de la perfusion (en laissant le cathéter en place, au cas où il faudrait me perfuser de nouveau), on me descend en fauteuil passer une radio de contrôle. Celle-ci satisfait le chirurgien qui décide de me passer en service de chirurgie le lendemain, sauf incident entretemps.
Suite à cet épisode d'arythmie et à des hallucinations visuelles certainement liées à la morphine, je refuse le traitement associant paracétamol et tramadol, me contentant du seul paracétamol. J'ai un peu l'impression que le traitement n'a guère d'effet, mais pour en être certain, il faudrait l'arrêter : je n'ose pas, mais j'essaie de réduire à 3 grammes par jour la dose, en prenant soit 1 gramme toutes les huit heures, soit 500 milligrammes toutes les quatre heures, selon mon humeur et la crainte de douleurs.
Le chirurgien m'avait prévenu que le cœur, un peu déboussolé de ne plus avoir ce poumon sur sa gauche, pouvait réagir par moments par de la tachycardie. Il n'avait pas parlé d'arythmie, beaucoup plus impressionnante. J'ai vraiment eu la trouille !
Tous les jours, mon épouse a fait l'aller-retour pour venir passer quelques heures avec moi, deux heures de route... et pendant une partie du temps qu'elle passe avec moi, je somnole, incapable de lire ou d'écouter de la musique. Je parle un peu, mais ça m'essouffle... Et ce n'est pas fini, il me reste à passer plusieurs jours en service de chirurgie, avant de pouvoir rentrer à la maison.