Le temps passe...

... et rien ne se passe !

Depuis des années, j'ai cette impression bizarre qu'un jour il va se passer un événement qui va changer ma vie, en mieux... Pour l'instant, c'est plutôt en moins bien que les événements l'ont changée.

Il y a un an aujourd'hui, je passais sur la table d'opération. J'espérais qu'on pourrait ne m'enlever qu'un lobe du poumon, que je ne serais ensuite que très peu gêné, que je trouverais le courage de remonter sur mon tandem, qu'on le mettrait sur le toit de la voiture pour aller rouler sur le plat, peut-être au bord du Rhône. Hélas, il ne me reste plus qu'un poumon, à peine plus de la moitié de ma capacité respiratoire, et la chimiothérapie m'a laissé cette fatigue permanente, cette faiblesse musculaire et cette fatigabilité, dont je pense qu'elles sont responsables des douleurs lombaires et dorsales basses difficilement supportables que je ressens dès que je reste quelques instants debout. Discuter debout, faire ma toilette, rester quelques minutes devant l'évier pour ouvrir quelques huitres deviennent vite insupportables. Assis ou allongé, je ne les ressens pas ; si peut-être, la douleur de la fesse droite est là, lorsque je me tiens assis de travers sur mon fauteil de bureau.

Les modifications du traitement qu'a entraîné l'épisode d'arythmie, il y a trois mois, font que maintenant ma tension est bien stabilisée, mais avec pour conséquence des espèces d'étourdissements lorsque je me lève de mon fauteuil ou du canapé, ou encore lorsque je me baisse ou me penche.

Des travaux m'attendent au jardin : je me demande tous les jours comment je vais pouvoir. Avant, j'étais souvent obligé de mettre une ceinture lombaire lorsque je passais la tondeuse ; j'avais mal quand même, mais j'y arrivais. Maintenant, je ne la passe plus... Avant, je trouvais que bricolage et jardinage devenaient de plus en plus difficiles, que marcher commençait à l'être aussi, avec la douleur dans la fesse droite, parfois la gauche, qui apparaissait au bout de quelques pas. Maintenant, même marcher les cinquante mètres pour aller jusqu'aux boîtes aux lettres m'épuise. Si j'ai besoin de m'accroupir, me mettre à genoux ou m'asseoir par-terre, il est indispensable que j'aie à proximité de quoi me servir de mes bras pour m’aider à me relever, sinon, je reste au sol !

Il y a plusieurs mois maintenant, histoire d'essayer de me refaire un peu de muscles, que je pense à rentrer mon vélo du garage et le mettre sur son home-trainer, bien que je pense que plus encore qu'avant, j'aurai du mal à supporter de pédaler à l'intérieur. Il y a quelques jours, profitant du fait que la voiture était restée dehors, je l'ai dépoussiéré avant de regonfler ses pneus. Puis je l'ai regardé avec tendresse, et je l'ai laissé où il était ; je suis rentré et je l'ai oublié ! Moralement, j'encaisse très mal la prise de cet anticoagulant, dont en plus le cardiologue m'a annoncé il y a trois mois qu'il n'avait pas d'antidote : la trouille m'a pris d'une chute à vélo ou à tandem si j'arrivais à retourner sur la route. Quand je pense qu'avant de faire cette énorme erreur d'arrêter de rouler, en 2000, j'avais alors besoin de trois heures de balade pour me sentir bien ; en deçà, je me sentais frustré !

Au début du mois, le pneumologue, après la prise de sang en humérale pour vérifier l'oxygénation, puis les explorations fonctionnelles respiratoires, m'a dit que ça ne pouvait pas être mieux pour lui. J'en déduis qu'aucune amélioration ne sera possible, et que donc je ne retrouverai jamais un meilleur souffle, même si j'arrivais à faire de la marche ou à remonter sur mon vélo. Plus d'espoir ! Il va falloir supporter toutes ces restrictions.

Il y a un peu plus d'un an, je m'étais mis en tête qu'après l'opération, je retrouverais une vie presque normale. J'ai vite déchanté !

Parmi les effets secondaires de la chimio, il y a cette augmentation des acouphènes, surtout difficiles à supporter la nuit ou au matin après le réveil, lorsque tout est calme. En plus des sifflements aggravés, il y a dans l'oreille gauche, et apparemment uniquement en position couchée, un bruit qui me fait penser à celui d'une pétrolette, un peu plus sourd peut-être, et qui disparaît au bout de quelques instants. Autre conséquence probable de la chimio et de la crise de colite majeure que j'avais eue, j'ai en permanence cette douleur, espèce de brûlure de tout le colon, que les ballonnements aggravent. Quoi que je mange, ça ballonne et ça fait mal. Parfois, en plus, il y a les spasmes, plus difficiles encore à supporter.

Alors je passe le plus clair de mon temps devant mon écran, plus encore qu'avant. Et à force de cliquer sur ma souris, surtout si je n'ai pas à faire sur les sites et que je joue au mah-jong, ou encore lorsque j'explore page par page les registres d'état-civil en ligne pour des recherches de généalogie, mon épaule droite est de plus en plus douloureuse... et ne parlons pas de mes yeux.

Dans quelques jours, il me faudra faire une prise de sang en vue du scanner puis de la consultation chez l'oncologue, que je verrai dans deux semaines. J'imagine que mon état rénal ne se sera pas amélioré, pas plus que l'anémie, facteurs probables eux aussi de cette fatigue.
Comme précédemment, et surtout avec cette fatigue qui traîne, l'inquiétude est là de ce que pourrait trouver le scanner et des conséquences que ça pourrait avoir.

Mais comme l'a dit l'oncologue il y a presque trois mois : "Mais à part ça, tout va bien !"...