Cancer du poumon : quand le ciel vous tombe sur la tête !

Dis, pourquoi tu râles ?

Quand le ciel vous tombe sur la tête !

Quelques jours avant Noël 2015, au retour d'un déplacement en voiture depuis Saint-Félicien où je réside jusqu'à Annonay et Davézieux pour quelques courses avant-fêtes, je me suis retrouvé avec une espèce de bronchite, et mon habituelle irritation de la gorge s'est aggravée. En quelques jours, les choses sont rentrées dans l'ordre sans traitement particulier.

La semaine dernière, plusieurs jours de suite, dans l'après-midi, devant mon écran, j'ai eu froid, un froid inhabituel. Pourtant, même si le thermomètre donne une température un peu majorée par la proximité de la chaleur de l'écran, il ne fait pas frais dans le bureau. Une infection virale ? Je n'ai pas de fièvre ; je n'ai quasiment jamais de fièvre !

Un soir, couché dans mon lit sur le côté gauche, j'entends un bruit bizarre au niveau de mon poumon gauche, une bronche encombrée ? Curieux ! Je tousse : le bruit persiste, je finis par ne plus y faire attention et je m'endors. Mais les soirs suivants, ce râle se reproduit, toujours au même endroit. Je n'ai pas mal, je ne tousse pas spécialement, j'ai juste la gorge un peu plus irritée que d'habitude... mais ça fait des années que je fais des épisodes allergiques laryngés, donc avoir la gorge irritée n'a rien d'inhabituel.

Ayant prévu d'acheter des tréteaux et un plateau (ou de quoi le faire) afin de disposer d'un plan de travail plus pratique et d'y monter enfin des maquettes de voitures et camions que j'avais achetées lors de promos et soldes, toujours en attente dans leurs boîtes, je réserve par Internet une paire de tréteaux que j'irai chercher cet après-midi à Davézieux.

Nous sommes le 26 janvier 2016, j'ai hésité, mais avant de me rendre au magasin de bricolage, je fais un détour par le service de radiologie de la Clinique des Cévennes à Annonay. Il faut que je sache, pas que j'attende comme j'avais eu le tort de le faire pour ma vessie, il y a huit ans. M'annonçant comme médecin retraité, j'ai droit à une prise en charge quasi immédiate. Je vais enfin savoir ce qu'il en est. Ayant cessé de fumer il y a 29 ans, n'ayant ensuite plus été exposé à la fumée des autres, que peut-il se passer ? Bien sûr, la crainte du "crabe" est là.

Après quelques instants d'attente, la radiologue vient me voir et m'annonce la présence d'une tuméfaction pour laquelle elle prévoit un scanner, d'autant qu'il y a huit ans, j'ai été opéré d'un polype vésical dégénéré, puis ai subi une série de six séances de BCG-thérapie intravésicale et que, même si j'ai été considéré comme guéri lors de la cystoscopie pratiquée un an plus tard, rien ne dit qu'il ne pourrait pas s'agir d'une métastase (encore que j'ignore si un cancer de vessie peut donner des métastases pulmonaires...). Elle veut ce scanner pour ce jeudi, mais il n'y a pas de place disponible ce jour-là ; j'attendrai donc lundi, le 1° février.

La secrétaire me remet la radio et son compte-rendu : la tumeur est à peu près de la taille d'un beau citron ! Comment a-t-elle pu passer inaperçue tout en grossissant à ce point ?

Le terme de "tumeur" n'a pas été prononcé, alors pour me rassurer j'imagine un abcès, à la rigueur secondaire à une petite lésion maligne bronchique... J'en saurai plus lundi.

Bref, après cette première histoire de crabe il y a huit ans, il semble bien qu'un nouveau se soit installé, et bien installé, depuis quelques temps, se faisant particulièrement discret puisqu'il a pu atteindre une telle taille sans jamais se manifester le moins du monde...

Je vais récupérer ma commande et acheter quelques bricoles, puis c'est le retour à la maison, la larme à l’œil en pensant à l'inquiétude de mes proches lorsqu'ils sauront. Moi, je ne suis pas inquiet, je suis déjà prêt à me battre, il n'y a pas de place pour l'inquiétude. Je ne peux pas cacher mon problème à mon épouse. En parler est essentiel pour l'affronter et le combattre ! Elle encaisse... Je suis triste pour elle et pour ma famille. J'en parlerai à des amis et relations professionnelles, ça m'aidera à supporter toute cette période de bilan tout en leur faisant comprendre pourquoi je ne serai probablement pas aussi disponible que d’habitude pendant quelques temps. Mais quand en parlerai-je à mes frères et à mes enfants ? Le plus tard possible, je pense !

On commence par un bilan biologique

Négligence... je n'ai fait aucun bilan biologique depuis cinq ans, mais il faut dire qu'à part les soucis des années en plus et de l'arthrose qui ne s'améliore pas, je n'en ressentais pas spécialement la nécessité. C'est donc l'occasion de faire un contrôle, pratiqué dès le mercredi 27.

Débrouillage, histoire d'avoir une première idée, avec un bilan standard, surtout une vitesse de sédimentation dont je crains le résultat, la précédente, il y a cinq ans, étant déjà bien accélérée sans que rien ne l'explique à l'époque.

Le résultat tombe : pas de signe d'infection, mais VS très accélérée, comme prévu. L'anémie que je traîne probablement depuis ma naissance (on avait demandé à mes parents, probablement en 1953 ou 1954, d'aller me faire faire un contrôle à Alger en raison d'un manque de globules rouges constaté à Bou-Saâda), cette anémie semble stable.

Pas de signe d'infection, VS très accélérée : soyons réalistes ! la tuméfaction a toutes chances de ne pas être un abcès, mais une tumeur maligne !

Encore trois jours à attendre pour le scanner et la confirmation.

On continue par un scanner

Lundi 1° février, en fin d'après-midi, mon épouse m'accompagne au service de scanner de l'hôpital d'Annonay. L'examen sera supervisé par la radiologue qui s'est occupée de moi lors de la radio pulmonaire, mardi dernier. Je n'ai pas peur du diagnostic, je m'y attends, je suis déjà en configuration de combat.

L'attente est longue, peut-être pas tant que ça, mais ça me paraît durer... Enfin, une manipulatrice me prend en charge et me pose une perfusion en vue de l'injection du produit de contraste. Lors de mes précédentes urographies intraveineuses et scanner, je n'ai pas eu de problème d'intolérance à l'iode, je ne suis pas inquiet.

Installation sur la table, quel inconfort que de devoir tenir les bras en l'air au-dessus de la tête ! Mes épaules souffrent, séquelles de tendinites anciennes...

Premier passage, les épaules me font mal, j'essaie de bouger un peu en profitant de la pause lors de l'injection du produit de contraste ; deuxième passage. Vivement que ce soit fini ! Je n'ai rien ressenti à l'injection, même pas cette sensation de chaleur dont on parle, juste un goût inhabituel au fond de la gorge, vite disparu.

Retrait de la perfusion, attente de la radiologue. Là encore, même si ça ne dure pas tant que ça, c'est long. Verdict : radio confirmée (je m'en doutais...), il s'agit bien d'une tuméfaction du lobe supérieur gauche, qui s'appuie pratiquement sur les côtes à l'arrière, mais, point positif, elle est bien limitée.

Là encore, on ne parle que de tuméfaction, pas de tumeur...

Jusqu'ici, j'étais mon propre médecin, maintenant, il va me falloir passer la main, ça dépasse mes compétences !

 

Je me décide à consulter un généraliste

Depuis des années, je suis mon propre médecin traitant. Mes problèmes étaient jusqu'ici gérables, car pas bien complexes. Ce nouveau souci, dans un village et une région dont je ne connais pas l'environnement médical et les confrères, sans compter qu'on ne peut pas dire que je me sois vraiment tenu au courant de l'évolution des techniques, me fait prendre la décision de faire appel à un confrère généraliste. Je ne peux plus être à la fois le médecin et le malade, au moins pour ce problème-là.

Lorsque j'ai posé la question de savoir où faire prendre en charge mon problème, les réponses ont été "Lyon" ou "Saint-Étienne". Je n'ai pas envie d'aller si loin chaque fois que j'aurai un examen à passer ou un traitement à faire. J'ai — mal — fait des recherches, et je n'ai pas trouvé de chirurgien thoracique à l'hôpital privé de Valence/Guilherand-Granges. Il me faut vraiment l'avis d'un confrère.

Je tente d'aller à sa consultation libre du matin, juste après le contrôle de créatininémie : la salle d'attente est pleine à craquer ! Je téléphone pour savoir quand passer le consulter, le confrère accepte de me recevoir avant son premier rendez-vous de l'après-midi.

Il me rassure, il y a bien deux chirurgiens thoraciques à l'hôpital privé Drôme-Ardèche, susceptibles de m'opérer si nécessaire ; il me conseille de prendre contact avec un pneumologue de Valence pour le bilan pré-thérapeutique. Entretemps, j'avais interrogé le secrétariat des pneumologues libéraux d'Annonay : ils ne font pas ces bilans, il faudrait donc que j'aille à l'hôpital... Je n'y tiens pas, peut-être dirai-je un jour pourquoi. J'irai donc à Valence.

Valence ou Guilherand-Granges, c'est à environ une heure de route ; les centres hospitaliers de Lyon et Saint-Étienne, le double.

Ce matin, j'ai fait une nouvelle prise de sang afin de vérifier l'impact de l'injection de produit iodé sur mes reins. Hier et avant-hier, après le scanner, j'ai eu le visage et le cou rouges, ainsi que les avant-bras. Ceux-ci me démangent. Je suis devenu intolérant à l'iode !

De plus, simple effet du stress ou conséquence de cette intolérance, ma tension, habituellement bien stabilisée, a nettement grimpé, même quand je la contrôle à la maison, bien tranquille devant mon écran. De même, une sensation de pesanteur est apparue dans la région de la tumeur, pas une douleur, juste une gêne : est-ce le fait de savoir qu'elle est là ? Je ne le pense pas, mais qui sait ?

Je prends l'avis d'un pneumologue

Lancer le bilan d'une tumeur pulmonaire est une urgence relative, se présenter comme médecin retraité est un facteur réduisant l'attente d'un rendez-vous...

J'ai donc rendez-vous ce jour en fin de matinée avec le pneumologue, afin de faire le point et d'envisager la suite des explorations et le traitement. Divers points sont évoqués, dont cette absence de manifestation de cette tuméfacton : je confirme qu'absolument aucune gêne ni aucun signe n'aurait pu jusque là m'alerter et me conduire, beaucoup plus tôt et à un stade moins avancé de la tumeur, à une radio pulmonaire !

Le bilan pneumologique est lancé : auscultation, gazométrie par ponction artérielle au pli du coude, mesure de la saturation en oxygène, spirométrie. Ma taille est toujours à 1m71 et demi ! Moi qui pensais avoir rétréci à cause de mes problèmes lombaires, je n'ai même pas perdu ce demi-centimètre. Poids : 84 kg quand à la maison, la balance électronique prétend que j'approche de 86 kg. Bonne nouvelle donc, ça fait deux kilos en moins à perdre...

Les divers examens sont normaux, ce qui est une bonne nouvelle encore. En cas d'opération et d'ablation du lobe supérieur du poumon gauche, qui semble a priori possible, mes capacités respiratoires ne devraient pas être trop altérées.

Il faut maintenant envisager une IRM cérébrale et un TEP Scan à la recherche d'autres localisations, métastatiques, éventuelles. Demain matin, j'aurai droit à une bronchoscopie avec biopsies. Restera à attendre l'histologie, si le pneumologue arrive à atteindre la tumeur et à en prélever des fragments, puis les rendez-vous pour les deux autres examens... Les services concernés me contacteront pour me fixer les dates et heures de ces examens.